Trois jours de pause à l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire. Il a fait froid, humide et venteux, un vrai temps hivernal. J’en ai profité pour me replonger dans les dernières étapes et tenir mon journal.
Il est 9h15 ce matin quand je referme la porte de l’hôtellerie. Le ciel est uniformément gris. Il doit faire 5 ou 6°. Pour la première fois depuis Bâle, j’ai mis un pull et un cache col en plus de ma parka. Il ne s’agit pas d’attraper froid. Pour franchir la Loire, je dois revenir en arrière, faire les 5-6 kilomètres qui me séparent de Sully-sur-Loire et prendre le pont qui m’amènera côté ouest en Sologne. Ce coup-ci, je ne prends pas le GR3 que j’avais pris à l’aller. Je prends les chemins de terre qui traversent les grandes étendues plates horticoles et maraîchères et qui me mèneront au plus court à Sully. C’est le pays de la betterave rouge, celle que l’on retrouve cuite et emballée sous vide dans nos grandes surfaces. Nous sommes en pleine période de récolte des betteraves semées en mai. Un tracteur et sa remorque chargée à plein me dépasse et tourne à droite pour rejoindre un bâtiment de stockage. Je poursuis ma marche et longe sur plusieurs centaines de mètres des serres industrielles. Batavia, laitue, scarole, chicorée, mâche sont les salades actuellement en pousse.
Je fais une courte pause déjeuner à Sully sachant que je ne trouverai plus aucun commerce d’ici l’arrivée à Vannes-sur-Cosson. Au programme de l’après-midi : une bonne vingtaine de kilomètres sur sentier et route bitumée à travers bois et sous-bois. Je vais entrer en Sologne !
Sully-sur-Loire est une petite ville de province de 6000 habitants. J’ai peu traversé de villes depuis mon départ de Bâle privilégiant les villages, hameaux, bourgs et lieux-dits. Je ne peux que constater que si les sorties de villages sont toujours bien entretenues et propres, les sorties de villes sont souvent dégradées et sales. Sully n’échappe pas à la règle. Quelques tags sur les murs, des bâtiments industriels à l’abandon, des trottoirs défoncés ou inexistants, des terrains en friche, une gare où les fenêtres ont été murées. Quelle tristesse !
En quittant cette ville, je suis obligé d’emprunter une départementale malheureusement fréquentée par de nombreux camions. La voie n’est pas très large et les bas-côtés détériorés. Je marche comme toujours sur le côté gauche pour anticiper l’arrivée des véhicules et me rabattre sur le côté le cas échéant. Le marcheur n’est pas grand-chose en comparaison de ces poids-lourds. A quelle vitesse ces mastodontes foncent-ils sur moi ? Une chose est sûre : entre eux et moi, je ne fais pas le poids !
Je quitte enfin cette départementale et emprunte le GRP « Sentier Historique de la Vallée des Rois ». Quel contraste ! Me voici en pleine forêt solognote. C’est le début de l’après-midi et le soleil parvient à percer difficilement la couche nuageuse. Quelques espaces de ciel bleu émergent. La température doit tourner autour des 10°. La dominante verte des feuillages est encore bien présente même si des feuilles mortes couleur jaune-brun jonchent le sol du sentier. La marche est plaisante. Le calme après la fureur de ces poids-lourds lancés à pleine vitesse. Je quitte le GRP pour prendre un chemin vicinal en terre qui pénètre en pleine forêt. Personne. Silence impressionnant. Les chants d’oiseau ont cessé. Parfois, un bref coup de vent dans les cimes des arbres et le bruit sec d’un gland, d’une châtaigne ou d’une pomme de pin qui heurte le sol. Les quelques feuilles mortes qui tombent sous l’effet du vent respectent le silence. Au fur et à mesure que je m’enfonce dans la forêt, je découvre un sol de plus en plus retourné. Un vrai champ de bataille. C’est le travail des sangliers. Ils sont sûrement dans les environs mais resteront à l’abri.
En sortie de forêt, j’ai la possibilité d’éviter la route qui mène au petit village de Viglain. Mon GPS signale un chemin de terre qui contourne le village. Le chemin est bien entretenu. Il n’y a personne. C’est parfait. Je m’engage sur ce chemin, parcours un bon kilomètre et tombe sur une magnifique propriété. Personne. Il doit s’agir d’une maison secondaire. Je décide de poursuivre, dépasse la propriété et finis par aboutir sur un grand portail fermé. A droite et à gauche, des grillages couverts de végétation. Me voilà bloqué ! Impossible de passer. Je ne vais tout de même pas faire demi-tour alors que ma route est juste derrière ce portail ! Je décide de prendre sur ma droite une petite allée qui longe le grillage. 100 mètres, 200 mètres, 300 mètres et soudain, je vois que le grillage est détérioré et que je peux m’y glisser. Je jette mon sac à dos par-dessus le grillage, élargis « un peu » l’espace et parviens à me glisser dans les mailles du grillage. Je retrouve la route avec quelques piqûres d’orties aux jambes. Mission réussie !
Sur la route, quelques kilomètres plus loin, je marche sur le côté gauche et manque d’écraser un scarabée. Il semble vouloir se diriger de l’autre côté de la route. Si une voiture passe par là, il ne fera malheureusement pas le poids. Je décide de laisser le destin agir. Je n’interviens pas et décide de l’observer. Surprenant. On pourrait dire qu’en rapport à sa taille minuscule, réussir à traverser en ligne droite une route de quatre mètres est impossible. J’observe. Il lui faudra 6 minutes pour traverser la route sans dévier de la ligne droite ! Plusieurs fois, il s’est arrêté pour faire une pause. Et à chaque fois, il a repris son avancée dans la bonne direction. J’ai bien essayé une fois de le détourner de sa route mais il l’a retrouvé sans difficulté. On a toujours quelque chose à apprendre, même d’un scarabée qui traverse une route !
Abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire - Vannes-sur-Cosson : 26 km / 5h30 (cumul 726 km / 171h30)
Département : Loiret (45)
Région : Centre-Val de Loire
Paysage : * (étape de transition !)
Météo : ciel couvert. 6°
Hébergement à l'arrivée : chambre d'hôtes
Le physique : ça marche !
Le moral : un peu tristounet, la Sologne, mais je savais à quoi m'attendre !
© Philippe MATHON