Jeudi 15 octobre 2015

Etape 40* Vannes-sur-Cosson - La Ferté-Saint-Aubin

Petit cours de sciences naturelles ce matin au petit-déjeuner. J’avoue à mon hôte mon inculture sur la distinction entre chevreuil et cerf. En cette période de brame dans les forêts solognotes, je ne voudrais pas passer pour un ignare de la chose. Mon hôte est une solognote de naissance et au vu du nombre de livres et documents sur le sujet dans sa bibliothèque, la question ne doit plus avoir de secret pour elle. Il faut distinguer deux familles :
La première avec le chevreuil (mâle), la chevrette (femelle), le faon (le petit jusqu’à six mois) et le chevrillard (le petit de six à douze mois). Adulte, la taille est de 70 cm et le poids de 30 kg. La période du rut (période d’accouplement) s’étale de mi-juillet à mi-août. Après la fécondation début septembre, l’embryon reste en « sommeil » et ne se développera qu’au bout de quatre mois c'est-à-dire à partir de décembre. La gestation dure 9 mois. Le faon naîtra donc courant mai - juin. L’âge adulte est atteint à l’âge de 2 ans.
La seconde avec le cerf (mâle), la biche (femelle), le faon (le petit jusqu’à six mois) et le hère ou bichette (le petit, mâle ou femelle, de six à douze mois). Adulte, la taille est de 130 cm et le poids de 150 kg. La période du rut (période d’accouplement) s’étale de mi-septembre à mi-octobre. Après la fécondation courant octobre, l’embryon va se développer immédiatement. La gestation dure 8 mois. Le faon naîtra donc courant mai - juin. L’âge adulte est atteint à l’âge de 18 mois.
Me voilà quelque peu plus instruit sur le sujet. Mais mon cours particulier ne s’arrêtera pas là. J’apprendrai que le chevreuil comme le cerf perdent leur bois chaque année, en automne pour le chevreuil, en fin d’hiver pour le cerf. Et que les bois repoussent en été pour devenir de plus en plus grands, année après année. Je découvrirai également que cette année 2015, marquée par la sécheresse, a un effet sur la période du rut chez les cerfs. Faute de pluie cet été, les biches ont eu plus de difficulté à se nourrir. Or, entre la naissance du faon en mai – juin et la nouvelle période d’accouplement qui intervient entre mi-septembre et mi-octobre, la biche doit reprendre son poids en graisse perdue à la naissance du petit. Tant que la biche ne l'a pas recouvré, elle ne s’offrira pas au mâle. La période de rut cette année risque donc de se prolonger jusque mi-novembre. Résultat, les cerfs, pour qui cette période de rut est particulièrement éprouvante, commencent à frôler l’épuisement : deux mois de rut au lieu d’un, ça épuise son homme !
Après toutes ces explications, me voici armé pour entamer une étape qui s’annonce intégralement forêts. Je quitte la chambre d’hôtes à 10h00. Un léger crachin m’attend dehors. Le ciel est gris. La pluie est annoncée en fin de matinée. Je récupère le GR3C que j’avais déjà emprunté du côté de Gien et qui mène à Blois. La marche est agréable et souple. Le sol composé de sable et d’argile et recouvert d’aiguilles de pin, de feuilles mortes et de mousse adoucit le pas. Feuillus (chênes, châtaigniers, bouleaux) et résineux (pins sylvestres et maritimes) composent la forêt solognote. Il n’en a pas toujours été ainsi. En 1850, il n’y avait que de vastes étendues d’eau et quelques sous-bois en Sologne. A l’époque, les grands propriétaires de la région décident de planter des pins maritimes pour en tirer une richesse fondée sur l’exploitation du bois. Les hivers très rudes de 1878 et 1879, avec des températures de -35°, détruisent les forêts de l’époque. Elles sont replantées de pins sylvestres toujours présents aujourd’hui.
Je poursuis ma progression. Aucun bruit. Personne. Je m’arrête plusieurs minutes pour prêter l’oreille au moindre bruit. Seuls, le chant léger du vent dans les cimes, la chute d’un bogue de châtaigne et le passage d’un avion très haut dans le ciel briseront le silence. Impressionnant. Pays plat, forêts interminables, absence de paysages, monotonie, j’avais un à priori critique sur la Sologne. Mais cette traversée à pied, un 15 octobre, avec cette explosion de couleurs automnales me comble.
Je marche ainsi depuis cinq kilomètres quand le GR croise une petite départementale. Au carrefour, une petite scierie d’un autre temps. Un homme sur son chariot élévateur dépose une grume (tronc d’arbre) sur un tapis roulant. Elle progresse et arrive à la hauteur d’une écorceuse. Un autre homme guide l’opération. J’observe les résidus d’écorce qui tombent sur le côté. L’homme à la machine me voit et semble se demander si j’ai besoin de quelque chose. Je m’approche. L’homme a la cinquantaine et semble sympathique. Je lui fais part de ma curiosité sur ce métier que je ne connais pas. La conversation s’engage. Il est contremaître et gère l’équipe de cette scierie. Les bois proviennent des forêts des alentours et sont destinés aux travaux publics, les routes et les voies ferrées. Rapidement, l’échange glisse sur la chasse et les cerfs. Je lui fais part de ma déception de ne pas en avoir vu un seul depuis mon départ de Vannes. « Vous ne risquez pas d’en voir. Cela fait 3 semaines qu’ils sont en rut. Du matin au soir et même la nuit. Ils sont épuisés, harassés, exténués ». Il m’explique que si la biche est fidèle à un cerf, le cerf a plusieurs biches à combler ! Je ne peux décrire ici les moult détails des descriptions qu’il me fait du rut. Passionnant. Nous parlons ensuite de la chasse, des domaines de chasse, des chasseurs renommés fréquentant la région (La famille Bouygues, l’actuel président de l’assemblée nationale). Echange qui dure une bonne demi-heure. Rencontre improbable. Moment privilégié qui fait tout le charme de cette marche.
La marche se poursuit à travers bois. Sur le bord du chemin, des arbres viennent d’être coupés et amassés en tas de bois impeccablement rangés. Une forte odeur de résine citronnée prend à la gorge. Ce n’est pas désagréable du tout, au contraire. Il paraît que le cannabis dégage une senteur similaire. Je resterais bien encore quelques minutes à humer cette odeur si particulière. Un peu plus loin, un lièvre et un faisan détalent à mon approche. Ce seront les deux seuls animaux que je croiserai de la journée. Quinze, seize, dix-sept, vingt kilomètres. Le paysage reste identique. Un chemin à travers bois qui se perd sur des kilomètres et des kilomètres. La marche reste agréable, les vues superbes. Cependant, chaque kilomètre en paraît deux.
Il est 14h30 quand j’entre enfin dans le village de Ménestreau-en-Villette. L’appétit vient en marchant ! Dans le centre, deux restaurants l’un en face de l’autre. C’est parfait. Je découvre les menus de l’un puis de l’autre. Grande déception ! L’un comme l’autre affichent des menus à 50€. Surprenant, deux restaurants dans un si petit village proposant des menus à prix identiques et aussi élevés. Malheureusement, pas d’autre lieu pour se restaurer. J’entre dans le seul bar du village, m’installe à une table, prend une bière et deux barres chocolatées. Bien maigre repas après 20 kilomètres de marche. La tenancière et le seul client attablé au bar me dévisagent. Bizarre, cet individu, seul, en pleine semaine, en plein mois d’octobre, avec son sac à dos et ses chaussures de marche maculées de boue. Cette fois-ci, la conversation ne s’amorcera pas. Chacun restera dans ses pensées.
Je reprends le chemin pour les derniers kilomètres et entre à nouveau dans des forêts sans fin. J’arrive bientôt à la hauteur d’un tracteur équipé de son bras de fauchage en train de travailler le bas-côté droit du chemin. Une confirmation de plus que nos territoires ruraux et forestiers sont bien entretenus en France. J’en fais chaque jour l’expérience depuis mon départ de Bâle. C’est certainement la dernière fauche avant l’hiver. Les prochaines reprendront en mars – avril.

Vannes-sur-Cosson - La Ferté-Saint-Aubin : 24 km / 5h (cumul 750 km / 176h30)
Département : Loiret (45)
Région : Centre-Val de Loire
Paysage : ** (les forêts solognotes en l'automne : superbe ! )
Météo : ciel couvert. 4°
Hébergement à l'arrivée : hôtel
Le physique : ras
Le moral : je suis surpris en bien par ces superbes forêts à cette époque-ci de l'année


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  80. Etape 76. Saint-Rivoal - Le Faou
  81. Etape 77. Le Faou - Landévennec
  82. Après la marche, l'écriture...

Les réflexions

  1. Le projet
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