Changement de département et de région aujourd'hui. Je passe en Côte d'Or et en Bourgogne.
Je quitte le Mont Roland à 11h. Pas un nuage dans le ciel et une certaine fraîcheur qui convient parfaitement à la marche. La journée s'annonce superbe. Déception ! En descendant le mont, j'entends un bruit de fond provenant des deux autoroutes qui se croisent dans la plaine : l'A36 Dijon - Mulhouse et l'A39 Dijon - Bourg. Au fur et à mesure de la descente, le bourdonnement de fait de plus en plus pressant.
La descente assez sévère se fait à travers bois et j'expérimente à nouveau ma technique de descente en marche arrière utilisée du côté de Belfort. Pas de doute, cette technique repose les genoux et les muscles. Il faut juste s'assurer que le chemin soit dégagé et jeter de temps en temps un petit coup d'oeil devant pour éviter toute catastrophe !
En bas du mont, le chemin suit en parallèle l'A36 sur plusieurs kilomètres. Quel dommage ! Un bruit infernal de camions a remplacé le chant des oiseaux. Un rapide pointage m'indique le passage de 10 camions par minute soit 600 par heure. Je suis toujours sur le chemin de Compostelle qui relie Bâle à Vézelay. Le tracé a été parfait jusqu'ici. Pourquoi diable le parcours longe t-il cette autoroute alors que j'aperçois des bois sur ma gauche à 500 mètres ? Tout en marchant, l'idée me vient de noter chaque étape à la façon des guides Vert Michelin :
* sans intérêt particulier
** mérite le détour
*** vaut le voyage
Aujourd'hui, une seule étoile pour cette étape, la fin du parcours longeant la Saône sauvant la note. Je me décide à envoyer un mot à l'Association Franc-Comtoise du Chemin de Compostelle. Le 29 avril dernier, je leur avais envoyé un message pour les féliciter sur la qualité du tracé, du balisage et de l'entretien du chemin. Cette fois-ci, un petit mot pour obtenir des éclaircissements sur cette étape qui dénote avec le magnifique travail effectué en amont.
Après une bonne demi-heure de marche le long de cette autoroute, je réalise que mon état d'esprit est différent des jours précédents. D'habitude, la marche dans les bois et les campagnes amène mon esprit à vagabonder, à observer tel détail de la nature ou à écouter tel chant d'oiseau. Cet état d'esprit de curiosité et d'attention à de menus détails sans importance procure une sensation de calme et de sérénité. Aujourd'hui, le passage incessant des camions sur l'autoroute accapare l'esprit et c'est une sensation d'agacement qui en découle. Le contraste est bien réel.
La motivation majeure de cette traversée de la France à pied est le contact physique avec la nature profonde, celle dont je me suis éloigné de par ma vie de citadin. J'ai la forte conviction que la nature qui nous entoure est source d'équilibre tant au niveau physique, moral, psychologique. La pleine conscience des choses de la nature contribue grandement à cet équilibre. Observer, étudier contempler, sans contrainte de temps, le ciel, les nuages, le vent, la pluie, les plantes, les arbres, les fleurs, un cours d'eau, une hirondelle, un papillon, un cheval, une brebis, une limace...bref, la vie tout simplement, est source d'élévation. La vue d'un paysage de campagne au printemps naissant, d'un chemin s'enfonçant dans les prairies et les champs, d'un petit village perdu dans le lointain avec son clocher dépassant des arbres peuvent être des moments de vrai bonheur. Il faut juste se poser, patienter, s'attarder, flâner, s'arrêter, prendre son temps, lever le pied. Tout l'opposé de notre vie quotidienne actuelle.
C'est la nature qui est le fil rouge des textes écrits et des photos postées ici chaque jour. C'est la nature que je suis venu chercher dans cette traversée à pied de la France. Et au travers de la nature, c'est un peu (beaucoup) de plaisir et de quiétude !
L'étape se termine en longeant les bords de Saône. Un panneau destiné aux pêcheurs indique les périodes de pêche. Le gardon, la carpe et la perche peuvent être pêchés toute l'année. D'autres comme le sandre et le brochet ne peuvent être pêchés qu'à certaines périodes bien précises.
Saint-Jean-de-Losne se dessine maintenant. Je n'aurai discuté avec personne au cours de cette étape. Et c'est vrai que n'ayant traversé aucun village aujourd'hui, l'occasion de rencontrer un petit vieux ou une petite vieille ne s'est pas présentée. L'histoire montre que les petits vieux ou petites vieilles des villages traversés sont sympathiques et souvent ouverts à la discussion.
Mont Roland - Saint-Jean-de-Losne : 21 km / 4h30 (cumul 306 km / 68h30)
Départements : Jura (39) puis Côte d'Or (21)
Région : Franche-Comté puis Bourgogne
Paysage : * (étape de plaine avec en bruit de fond le trafic autoroutier)
Météo : ciel bleu. 17°
Hébergement à l'arrivée : chambre d'hôtes
Le physique : tout va bien
Le moral : le passage des camions sur l'autoroute pendant les 15 premiers kilomètres : ce n'est pas bon pour le moral !
Le calme et le silence sont un vrai luxe aujourd'hui
A suivre...
© Philippe MATHON