Cela devait bien arriver une fois ! Pas une seule personne rencontrée de la journée à part la boulangère pour l'achat du pique-nique ce matin avant de partir. Je suis bien passé près de quelques fermes isolées et du petit bourg de Saint-Agnan. Mais personne ! Pas un seul bonjour ou rencontre de la journée. C'est bien la première fois depuis le départ de Bâle. La réputation de coin perdu du Morvan est préservée. Ce n'est pas pour me déplaire. Après tout, c'est ce que je suis venu chercher dans cette traversée à pied de la France, les petits coins perdus dans nos campagnes.
Je quitte Saulieu à 9h00, plus tôt que d'habitude, car je dois être arrivé à 16h00 à la Pierre qui Vire, l'accueil étant fermé ensuite. Il a plu toute la nuit et ce matin le plafond des nuages est très bas. En empruntant les bas-côtés de la route en sortie de Saulieu, je constate que l'herbe est trop mouillée pour imaginer prendre le sentier dans les bois. Le chemin de Compostelle est trop peu entretenu et balisé en Bourgogne pour risquer de se perdre ou de se tordre les pieds. J'emprunte donc les petites vicinales qui me conduiront de Saulieu à Saint-Agnan. Les pieds chaufferont plus vite que sur le sentier mais c'est préférable que de glisser ou de tomber dans la boue.
Au fur et à mesure que je pénètre dans cette région du Morvan, les paysages ressemblent de plus en plus à la campagne irlandaise. Landes, bocages, prairies, pâtures, étangs... Quelques vaches dans les prés, le brouillard et les fines gouttelettes de pluie complètent le tableau.
En milieu de matinée, je quitte le département de la Côte d'Or et pénètre dans la Nièvre, pas pour longtemps car quelques kilomètres plus loin, j'atteins l'Yonne. La route monte progressivement et la forêt remplace la campagne. Les feuillus (chênes, tilleuls, marronniers, noyers, charmes, érables) laissent place aux résineux (essentiellement sapins). Les paysages irlandais laissent place aux paysages canadiens, de grandes forêts de sapins qui se reflètent dans les eaux des lacs et des étangs.
Pour faciliter la marche, je délaisse le côté gauche habituel pour marcher au centre de la route. Les routes étant généralement bombée pour laisser l'eau s'évacuer sur les côtés, le centre de la route est toujours plat. C'est l'endroit le plus agréable pour marcher mais aussi le plus dangereux en temps normal ! Ici, sur ces petites vicinales, aucune voiture ni tracteur ce matin. Seuls les oiseaux brisent le silence. Si une voiture arrivait, je l'entendrai suffisamment de loin pour me rabattre sur le côté. La route m'appartient !
A midi, j'arrive au bourg de Saint-Agnan au moment où un coin de ciel bleu apparaît. Pas très longtemps car 5 minutes après, le ciel est de nouveau totalement gris. Après une pause pique-nique, le soleil ayant refait son apparition, je décide de quitter la route et de prendre le GR "Tour du Morvan" qui longe le lac de Saint-Agnan, monte dans les bois et redescend ensuite le long d'un torrent pour atteindre l'abbaye de la Pierre qui Vire. Deux heures de marche de pur bonheur. Sentier praticable et bien balisé à travers des forêts entretenues. L'humidité a attendri le sol et rend la marche souple et agréable. Aucun bruit excepté les chants des oiseaux et un court instant, un avion qui passe bien haut dans le ciel. Aucune présence sur le chemin.
Je passe bientôt le long d'un "champ de sapins de Noël". Sur les 6 millions de sapins vendus chaque année à Noël, 1 million sont originaires du Morvan. Je ne peux m'empêcher de penser en les voyant que dans 6 à 9 ans, ils iront rejoindre telle ou telle maison pour quelques jours de bonheur.
J'arrive à temps à l'abbaye, un quart d'heure avant la fermeture de l'accueil. Endroit totalement perdu dans les grandes forêts de sapins, éloigné de tout, où je découvrirai une heure plus tard qu'il est impossible de passer un coup de fil faute de réseau !
Saulieu - Abbaye de la Pierre-qui-Vire: 23 km / 5h30 (cumul 461 km / 105h30)
Départements : Côte d'Or (21) puis Nièvre (58) puis Yonne (89)
Région : Bourgogne
Paysage : *** (sur le final de l'étape, le lac de Saint-Agnan et la forêt de Saint-Léger à l'approche de l'abbaye)
Météo : ciel couvert. 16°
Hébergement à l'arrivée : abbaye
Le physique : merci Epitact (protections anti-ampoules). Journée passée sans difficulté
Le moral : superbe final. C'est bon pour le moral !
Le sourire le matin pour lancer la journée. L'humeur acariâtre de la boulangère ce matin.
A suivre...103
© Philippe MATHON