Ce matin, avant de prendre la route, je place dans mon porte-carte la 6° carte IGN Top 100. Elle restera en place durant toute la traversée de la Sologne. La 6° carte sur les 12 nécessaires à cette traversée à pied de la France.
Deux choix sont possibles pour atteindre Sully-sur-Loire : soit poursuivre sur le GR3 sur la rive droite du fleuve, soit prendre le GR3C sur la rive gauche. Je n’hésite pas trop longtemps. Le GR3 contourne la centrale nucléaire de Dampierre et allonge la distance de quelques kilomètres supplémentaires. Le GR3C longe le fleuve et me permettra de découvrir la rive gauche. Va pour le GR3C !
Une demi-heure de marche et je croise un pêcheur en train de ranger son matériel de pêche dans son coffre de voiture. Je m’arrête à sa hauteur et lui demande s’il est content de sa pêche matinale. L’homme est abordable et me confirme : « Petite pêche aujourd’hui, quelques goujons, deux carassins et un chevesne ». Il me montre le seau dans lequel frétillent une quinzaine de petits poissons. « Ils me serviront d’appât pour ma prochaine pêche en étang. J’ai un grand bassin à poissons à la maison. Je vais les mettre dedans en attendant. J’ai besoin de ces petits poissons pour pêcher le carnassier ». Etant ignorant de la chose, il me précise qu’il faut entendre par carnassier des poissons comme le brochet, le sandre, le silure, la perche. La discussion se poursuit sur son plaisir de la pêche. Tout en bavardant, je vois arriver droit vers nous des centaines d’oiseaux volant en escadrille. Ils viennent du nord et se dirigent vers le sud, remontant la Loire vers sa source. Mon interlocuteur me confirme qu’il s’agit de grands cormorans. Un premier groupe d’une cinquantaine d’oiseaux, puis un second, un troisième…. Ce sont ainsi plusieurs centaines, voire un millier d’oiseaux qui passent au-dessus de nos têtes. Impressionnant ! « Ce n’est pas une bonne nouvelle ! Ces cormorans sont l’ennemi du pêcheur. Ils sont très nombreux, trop nombreux et causent des ravages impressionnants en pêchant dans les fleuves et rivières toutes sortes de poissons : des perches, des carpes, des truites, des saumons, des brochets… Quand ils migrent vers le sud en septembre – octobre, énormément de poissons disparaissent  et nous n’arrivons plus à faire de bonne pêche ! ». Comme souvent, la découverte est sur le bord du chemin. En quittant Gien ce matin, je ne m’attendais pas à faire de rencontre particulière. Mais la surprise est souvent là où on ne l’attend pas. Cet homme avait une tête sympathique. En l’abordant, j’avais tout de suite remarqué le côté affable de l’individu. Un sourire des deux côtés et nous voilà partis pour un échange d’une bonne demi-heure. Je le quitte et au bout de deux cents mètres, je cherche mon GPS sans succès. Demi-tour, j’ai dû l’oublier lors de ma discussion avec le pêcheur. Revenu sur place, je cherche partout. Mon interlocuteur de ce matin est déjà parti. Impossible de remettre la main sur mon GPS. Où a t-il bien pu passer ? Où l’ai-je posé ? Mon interlocuteur l’aurait-il emmené ? Je regarde autour de moi et vois à cinquante mètres un autre pêcheur. Je m’approche et lui demande s’il n’a pas vu mon GPS. Je vois qu’il hésite. Pour preuve de ma bonne foi, je lui précise qu’avec mon GPS, j’avais laissé également un paquet de biscuits ! Avec un grand sourire, il sort alors de sa poche, GPS et biscuits. Mon argument choc l’avait convaincu que j’étais bien le propriétaire de ce GPS ! En fait, lors du passage des cormorans dans le ciel, j’avais déposé dans l’herbe mon GPS et mon paquet de biscuits pour prendre des photos et tout à ma discussion avec mon pêcheur, j’avais oublié de les récupérer.
Je reprends le chemin et arrive à midi à Saint-Gondon, petit village de 1000 habitants. Les cloches se mettent à sonner. C’est certainement pour fêter mon arrivée dans le village !
Après une pause déjeuner au pied de l’église, je quitte le village et j’emprunte la D951 sur quatre kilomètres. Tout en marchant sur le côté gauche de cette départementale, je ne peux m’empêcher de penser à ce jeune couple qui effectue actuellement une marche les menant d’Aix-en-Provence à Paris. Partis en juillet d’Aix, ils arriveront demain au pied de la Tour Eiffel. Leur projet nommé unemarchepourlenvironnement a pour objectif de ramasser tous les déchets trouvés sur leur chemin. J’avais vu un reportage sur TF1 qui leur était consacré début septembre et j’avais trouvé l’idée géniale. Si depuis mon départ de Bâle, je peux affirmer que les sentiers sont propres et bien entretenus, je peux également confirmer que nos départementales regorgent de détritus en tout genre. Sur cette D951, je « m’amuse » à faire l’inventaire : une couche Pampers et un peu plus loin son emballage plastique, une dizaine de canettes de bière (Heineken, Leffe et 1664) et de soda (Coca, Coca zéro, Coca Light et Orangina), un préservatif usagé (question : comment a-t-il atterri sur le bord de cette route en pleine campagne !), une boîte de conserve rouillée, des cartons, des papiers, du journal, une bonne dizaine de sacs plastique, quatre bouteilles d’eau en plastique (Evian et Cristaline), des pots de yaourt, une boîte de lait en carton, un étui de bonbons Mentos ! Si le papier va vite disparaître avec la pluie, qu’en sera-t-il des canettes en aluminium ? Et cette boîte de conserve rouillée, depuis combien d’années est-elle sur le bas-côté de cette route ? Sur ces 4 kilomètres parcourus sur le côté gauche de cette départementale, je pense que j’aurais pu remplir entièrement un sac poubelle !
Je quitte enfin cette D951 et prend un sentier qui longe la Loire. Sur l’autre rive, devant moi, la centrale nucléaire de Dampierre et ses quatre tours de refroidissement. En m’en approchant, le chemin entre dans un long sous-bois sur plusieurs centaines de mètres et la centrale disparaît de ma vue. Seul, le bruit dégagé par les turbines me parvient aux oreilles. Quand je sors de ce sous-bois, je dois me retourner pour apercevoir les nuages de vapeur d’eau s’échappant des tours de la centrale.
De Lion-en-Sullias à Sully-sur-Loire, j’emprunte une petite voie goudronnée qui sert de digue en cas de crue. Une petite dizaine de kilomètres à parcourir sur ce long ruban bitumé avec, malheureusement, des bas-côtés imparfaits qui rendent la marche difficile. Malgré tout, je choisis les bas-côtés herbeux au bitume pour éviter que les pieds ne s’échauffent entraînant la formation d’ampoules. Je presse le pas, alternant une fois la droite, une fois la gauche de la voie, cherchant à placer les pieds aux endroits les plus praticables. Sur ma droite, des arbustes m’empêchent de voir la Loire. Sur ma gauche, le paysage sans relief du bassin de la Loire. La marche devient vite monotone. Une demi-heure, une heure, une heure et demi et le décor est toujours identique. Les pensées tournent alors autour des petites douleurs aux pieds, de l’étape du jour sans grand intérêt esthétique, de l’étape du lendemain, de la pause à venir à l’abbaye de Saint-Benoît. Des idées fixes vont et viennent. On n’y pense. On n’y pense plus. Depuis un bon vingt minutes maintenant, c’est Nadine Morano qui tourne dans ma tête ! Elle vient de perdre son investiture pour les régionales. Pourquoi cette pensée me poursuit-elle ? Aucune idée. Je n’ai pas un penchant particulier pour Nadine Morano mais je suis persuadé que ce petit fait politique ne restera pas sans suite pour le parti des Républicains. Depuis le départ de Bâle, j’ai eu plusieurs fois l’occasion de marches monotones. A chaque fois, j’ai noté que des idées se fixent dans la tête et qu’il est très difficile de les faire disparaître ! Sur cette digue sans fin, c’est la vue d’une grosse bestiole verte d’un aspect insolite qui aura raison de mon idée fixe du jour. Je titille la bestiole. Elle se détend puis s’enroule sur elle-même. Ce soir, une petite recherche sur le web me confirmera qu’il s’agit d’un moro sphinx, une chenille qui deviendra papillon. Sur Wikipedia, il est même précisé que cet insecte est considéré comme porte-bonheur ! Que peuvent bien me réserver les prochains jours ?

Gien - Sully-sur-Loire : 27 km / 6h (cumul 688 km / 163h)
Département : Loiret (45)
Région : Centre-Val de Loire
Paysage : * (le chemin longe la Loire à 200m mais des sous-bois empêchent d'y accéder)
Météo : ciel légèrement couvert le matin puis couvert en fin d'après-midi. 11°
Hébergement à l'arrivée : hôtel
Le physique : plus de 50 km en 2 jours => les pieds fatiguent un peu !
Le moral : une longue étape un peu monotone mais bon, un jour comme cela, un jour autrement !