Il est 10h00 ce matin. Le temps est superbe. Pas un nuage. 12° dehors. L’idéal pour marcher ! En prenant congés de mes hôtes, je croise un couple d’un âge certain qui m’interroge sur ma destination. Le thème de la marche est un sujet facilitateur pour entamer une conversation entre personnes qui ne se connaissent pas. Et nous voici discutant des 2 derniers livres d’Axel Kahn évoquant ses traversées à pied du nord au sud de la France. Et comme bien souvent, on en vient à parler de Compostelle. Le couple évoque un de leurs cousins âgé de 85 ans et qui, chaque année, emprunte pendant une quinzaine de jours, sac à dos, le chemin de Compostelle. Si mes petites douleurs se réveillent aujourd’hui, j’aurai certainement une petite pensée pour ce jeune homme de 85 ans !
Avant de quitter le village, je croise le maire et j’en profite pour le questionner sur la fermeture, le mois dernier, du Crédit Agricole, seule banque du village. Il me confirme l’interview qu’il a eue avec TF1 dans laquelle il s’en prenait au Crédit Agricole, à la responsabilité de la banque d’abandonner un tel service dans un village de 700 habitants. Etrangement, le reportage est bien passé aux actualités de TF1 fin juillet mais l’échange portant sur les critiques « acerbes » du maire sur la banque avait été coupé au montage !
Je quitte Châtel-Censoir à 10h30. Drôle d’impression ! Il y a tout juste 3 mois, j’étais dans l’obligation d’interrompre cette marche, les douleurs au genou gauche ayant été les plus fortes. Aujourd’hui, tout est oublié. Quoique … En abordant la première côte à la sortie du village, j’ai une certaine appréhension. Le genou va-t-il tenir ? J’ai bien repris mes marches quotidiennes dans le Nord depuis une dizaine de jours. Mais cela suffira-il ? Me revient alors à l'esprit les conseils de mon hôte ce matin : « Tout est dans la tête ! » « Il faut penser positif ! ». Je décide d’éloigner ces funestes questions en observant mon environnement. Je prends conscience aussitôt d’un changement par rapport à juin dernier : le soleil est beaucoup plus bas à cette heure-ci de la matinée. Résultat : alors qu’en juin, en démarrant ma marche vers les 10h30, je l’avais sur la tête, aujourd’hui, je l’ai en pleine face ! Les couleurs vert des paysages et bleu du ciel sont moins soutenues. Les champs sont passés du blé couleur jaune d’or à la terre couleur sienne, les moissons sont passées par là. Le chemin prend de la hauteur. Je distingue au loin les volutes de vapeur s’échappant des tours de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire située à une soixantaine de kilomètres. Dans 4 jours, mercredi prochain, je devrais être au pied de ces grandes tours !
Sur plusieurs kilomètres, j’emprunte le GRP des Méandres de l’Yonne. Normalement, je devrais retrouver les fameux balisages rouge et jaune permettant d’identifier les directions à prendre. Mais, sur cette portion en tout cas, les balisages font défaut. Heureusement, mon GPS indique de manière très précise le chemin du GRP. A chaque carrefour de route, à chaque branche de sentier, il m’indique la direction à suivre. Sacré instrument !  Il est fort probable que certains randonneurs ne disposant pas de cet appareil ont dû s’égarer et maudire les baliseurs !
Après une heure de marche, je m’arrête au petit village de Lucy-sur-Yonne, 100 habitants. Plus aucun commerce. Je m’installe sous le porche de l’église, ouvre mon sac à dos et sors la pomme 100% bio que m’avait donnée mon hôte ce matin avant de partir. Je la déguste tranquillement en sachant que ce sera mon maigre menu pour ce midi !
Je reprends le chemin. Il longe le canal du Nivernais qui relie la Loire à l’Yonne. Tous les 200 ou 300 mètres, des écluses font barrage. A chaque écluse stationnent un ou deux bateaux de plaisance en attente du passage de l’éclusier. Je discute avec un couple de retraités anglais. Il est 13h00 et attendent, avec ce fameux flegme anglais, l’arrivée de l’éclusier prévue dans une heure. Je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec une barrière de péage sur autoroute. Imaginez que votre voiture soit bloquée par la barrière et que l’on vous demande d’attendre une heure avant l’ouverture de la barrière !
Je marche à l’ombre des peupliers et des platanes plantés de chaque côté du canal. Les feuilles des arbres commencent à changer de totalité, passant d’un vert soutenu à un jaune moutarde. Ce n’est pas encore l’automne. Les feuilles ne tombent pas encore mais le processus est entamé. La marche est rapide, régulière, reposante, agréable, tranquille. Seul, le bruit des tracteurs dans les champs environnants se fait entendre. C’est le moment de la saison où les terres doivent être retournées.
A Coulanges-sur-Yonne, je fais une pause rapide dans le seul bar tabac du village. Les sujets de discussion basculent du loto au rugby. En repartant sur le chemin, je ne peux m’empêcher de penser à ce que les français dépensent en loto en tout genre et reçoivent en retour. Je tourne les chiffres dans tous les sens dans ma tête. J’aurai la réponse le soir en questionnant le sujet sur le web : en 2012, les français ont dépensé 12 milliards d’euros pour un retour de 8 milliards. Résultat : une perte de 4 milliards de pouvoir d’achat ! En ces temps de crise, cela fait réfléchir.
En fin d’étape, le GRP emprunte une route vicinale goudronnée. Je marche sur le bas-côté, alternant la gauche et la droite, là où il y a de l’herbe et de la terre, afin d’éviter que les pieds ne s’échauffent. La route traverse une longue forêt. Personne. Pas un bruit. Il fait bon. Un léger vent agréable. Quel plaisir !
En sortie de forêt, je découvre une vue qui porte à plus de 30 kilomètres. Aucune construction. Que des forêts, des champs et des prairies. A gauche, sous une dizaine d’arbres entretenus, un banc en parfait état. Je m’assieds et m‘enthousiasme de ces quelques minutes de pur bonheur. Dans un quart d’heure, je serai à la chambre d’hôtes.

Châtel-Censoir - Andryes : 18 km / 4h (cumul 558 km / 133h)
Département : Yonne (89) puis Nièvre (58) puis Yonne (89)
Région : Bourgogne
Paysage : ** (le canal du Nivernais et les vues sur la Puisaye-Forterre en fin d'étape)
Météo : ciel légèrement couvert. 14°
Hébergement à l'arrivée : chambre d'hôtes
Le physique : côté pile : tout va bien pour les genoux -.côté face : toujours cette douleur au talon gauche . A suivre...
Le moral : quel plaisir de retrouver les chemins